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Voler le concept d’une application sur l’App Store est toujours possible (et légal)

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[MàJ 06/05/1015 – L’histoire ci-dessous est la version de Matt Akins. Nous avons modifié l’article pour renforcer cet état de fait. Lui-même reconnaît la difficulté de…

[MàJ 06/05/1015 – L’histoire ci-dessous est la version de Matt Akins. Nous avons modifié l’article pour renforcer cet état de fait. Lui-même reconnaît la difficulté de faire un lien direct entre App Cow et Ketchapp. Ce lien relève donc des hypothèses du développeur. Il a toutefois énuméré les nombreuses de coïncidences qui alimentaient ses soupçons dans une nouvelle note publiée quelques jours plus tard.]


Matt Akins est un développeur de jeux américain et il n’est pas, mais alors, pas du tout content de ce qui vient de lui arriver. Il est même tellement vénère qu’il a publié un billet-fleuve il y a trois jours où il explique comment on lui a tout simplement volé son jeu.

Comment cela est-il arrivé ? Comme cela arrive malheureusement bien souvent sur le marché mobile : Matt Akins se serait fait plagier son jeu après l’avoir présenté à un acteur du milieu dans le but de faire un partenariat. King style.

Le jeu en question s’appelle Rotable, il s’agit d’un Pong circulaire. Vous bougez votre doigt pour déplacer une raquette autour d’un cercle, le but étant de conserver la balle à l’intérieur le plus longtemps possible.

Matt Akins souhaite finaliser son jeu et le publier de manière efficace. Fin octobre, il décide donc d’envoyer un prototype aux Français de Ketchapp, éditeur de jeu spécialisé sur les terminaux à la pomme. Ils avaient notamment sorti l’application à succès 2048.

Et ce qui devait arriver arriva, Ketchapp, au bout de plusieurs relances du développeur, lui envoie un message de refus en expliquant que si l’esthétique est bonne, il n’est pas convaincu par les mécaniques de jeu. Puis, début décembre, un jeu Circle Pong!, débarque sur l’App Store. Il s’agit de Rotable sous une forme très légèrement différente.

Circle Pong Rotable

D’après Matt Akins qui en a gros sur la patate, tout aurait bien été fait pour dissimuler la chose. L’éditeur n’aurait pas publié sous son vrai nom, mais sous le nom d’App Cow. Cependant, même sous ce sobriquet, les éléments que le développeur a relevé (utilisations de mêmes assets, republications des catalogues des deux éditeurs sur d’autres plateformes sous le même label…) laissent peu de doutes sur l’identité des personnes derrière, en tout cas pour Akins. L’éditeur serait même allé jusqu’à prendre une ancienne application, changer son nom, changer l’icône et la mettre à jour en y mettant Circle Pong! à la place. De cette manière, Circle Pong! est affichée comme étant publiée début octobre, soit une date antérieure à celle où Akins soumit à Ketchapp son jeu Rotable.

Circle Pong! a bien entendu trusté les charts de l’App Store, les “méchants” ont gagné et il n’y a rien à faire. Des tas et des tas de clones de Circle Pong! sortent, puisque c’est comme ça que fonctionne l’App Store. Akins publie son coup de gueule avant de se rendre compte que quelqu’un avait déjà sorti un concept de Pong circulaire par le passé. En plus.

Circle Pong Clones

Bon. Quelle leçon retenir de tout ça ? C’est que l’App Store, c’est toujours la jungle.

Comme je l’avais déjà expliqué dans l’affaire entre Kek et Flappy Bird, il n’est pas possible de déposer le moindre droit sur un simple concept de game design et c’est tant mieux. Pourquoi est-ce tant mieux ? Parce si c’était possible, cela ferait bien longtemps que le concept de “balle qui rebondit sur une raquette” aurait été protégé par, je ne sais pas, un éditeur comme Atari par exemple.

L’App Store (avec certainement le Play Store qui répond aux mêmes problématiques, en pire) semble être le seul endroit où cette règle qui protège habituellement la création, permet surtout aux gros de détrousser les idées des petits. King l’a déjà fait, Ketchapp l’a déjà fait avec 2048, viendrait de le refaire avec Rotable et d’autres le referont.

Ce qui change par rapport à Steam, par exemple, c’est le temps de développement de tels jeux et le fait que toutes ces application se basent sur des idées toutes simples et, souvent, avec des graphismes extrêmement épurés. Une fois déterminée dans la tête d’un créateur, une idée comme Rotable peut être codée en quelques semaines par un développeur esseulé. Vous avez une équipe de développeurs sous la main ? Réduisez ce délai à quelques jours.

Et si vous n’avez pas les moyens de dépenser dans la promotion de vos jeux, vous n’avez plus qu’à prier pour que le bouche à oreille fonctionne avant qu’un éditeur sans trop de scrupules ne décide de prendre votre idée, change quelques assets et quelques lignes dans le code histoire de changer légèrement le concept et la republie avec la force de frappe suffisante pour créer le buzz. C’est exactement ce qu’il s’est passé avec Threes.

Threes 2048

Dans tout ça, et si les faits sont avérés, Ketchapp est dans son bon droit. Il s’agirait d’un geste extrêmement déloyal, mais permis. Pourtant, ce n’est pas à la législation de changer quelque chose. Car l’exemple de Namco l’a montré, les idées de game design ne devraient sous aucun prétexte être protégées par le droit d’auteur, sous peine de brider la création de plein d’autres acteurs de l’industrie.

Quant à Apple ? Il peut évidemment refuser des clones trop évidents lorsqu’ils lui sont soumis. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait pour des dérivés de Flappy Bird, pendant que tout le monde devenait fou avec ce jeu. Mais comment empêcher les vols de concepts avant même que les jeux soient publiés ? Évidemment, il peut déjà empêcher les éditeurs de changer complètement l’appellation et le contenu d’une application pour falsifier la date (ce qui est une aberration), mais cela ne sera pas suffisant.

Tant qu’Apple ne proposera pas de solution d’envergure pour les créateurs qui cherchent à trouver des moyens de promouvoir leurs projets finis ou en cours de développement, la situation de changera pas et les petits développeurs seront vulnérables. Un pré-App Store non accessible au public où il serait possible de déposer ses prototypes afin qu’Apple puisse les protéger d’éventuels clones qui souhaiteraient griller la politesse pourrait être une solution. Une telle plateforme pourrait également être un moyen de soumettre des jeux à des éditeurs de manière encadrée et vérifiable. Cependant, il faudrait que l’initiative vienne d’Apple lui-même, qu’il en ait la volonté et qu’il parvienne à gérer une telle usine à gaz.

En attendant, il est malheureusement de la responsabilité de chaque développeur de protéger ses projets en cours ou finis en évitant de les montrer à n’importe qui. Matt Akins a d’ailleurs très bien fait de crier haut et fort ce qu’il vient de lui arriver. Maintenant que son projet est dans les mains de quelqu’un d’autre, autant décourager les développeurs qui seraient tentés de collaborer avec ceux qui lui ont volé le concept. Car en attendant, sur l’App Store, personne ne vous entendra crier que c’était le vôtre.

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