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[Test] Zero Time Dilemma – Science & Morts

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Zero Time Dilemma est le troisième épisode de la série de visual novel/escape room Zero Escape et il revient de très loin. Les deux premiers opus,…

Zero Time Dilemma est le troisième épisode de la série de visual novel/escape room Zero Escape et il revient de très loin. Les deux premiers opus, 999: Nine Hours, Nine Persons, Nine Doors et Virtue’s Last Reward respectivement sortis sur Nintendo DS et PS Vita/3DS, ont connus des ventes si timides au Japon qu’elles ont douché les envies de Spike Chunsoft d’en faire une suite. C’est la queue entre les jambes que Kotaro Uchikoshi annonçait dans les médias et sur les réseaux qu’il n’aurait peut-être jamais l’opportunité de conclure la trilogie qu’il avait commencée en 2009.

C’était sans compter sur l’abnégation de la communauté Zero Escape américaine, qui s’est mobilisée pendant des années pour que Spike Chunsoft, l’éditeur, autorise le développement de ce troisième épisode. En 2015, durant une conférence tenue par Aksys Games à Anime Expo, Uchikoshi délivre son public en annonçant l’arrivée de Zero Escape 3 après des semaines de teasing sur internet.

Bref, autant vous dire que ce jeu-là était attendu au tournant. Il est attendu au tournant, car il est censé répondre aux très nombreuses questions laissées en suspens à la fin de Virtue’s Last Reward. L’intérêt de cette saga vient principalement de son histoire unique, de la manière dont le scénario manipule le joueur, de ce mélange incroyable entre fantastique et sciences, mais aussi des questionnements perturbants qu’il suscite. Les deux premiers Zero Escape étaient des jeux qui faisaient réfléchir tant sur les escape room dont il fallait sortir que sur des principes philosophiques profonds. La barre est extrêmement haute et autant vous le dire immédiatement, même si Zero Time Dilemma n’est pas aussi parfait que son prédécesseur, il n’en est vraiment pas si loin que cela.

Mais avant le test, j’ai une question pour vous. Avez-vous au moins joué à Virtue’s Last Reward ? Si ce n’est pas le cas, ce n’est même pas la peine d’envisager de jouer à Zero Time Dilemma. Vous passeriez à côté du plaisir de ce troisième opus tout en vous gâchant certains éléments scénaristiques de l’épisode précédent. Je vous épargne 999, car il a certainement moins bien vieilli (même si je vous le recommande chaudement), mais faites au moins Virtue’s Last Reward si vous comptez vous attaquer à Zero Time Dilemma.

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[nextpage title=”Sortir, choisir, mourir”]

L’action se déroule entre les événements de 999 et ceux de VLR et on ne change pas une formule qui fonctionne. Encore une fois, neuf personnes se retrouvent enfermées contre leur gré dans une infrastructure inquiétante. Cette fois-ci, il s’agit d’un abri anti-atomique enfoui trente mètres sous terre en plein désert du Nevada. Un dénommé Zero se présente à eux et leur explique qu’ils vont devoir jouer à un jeu macabre. Personne ne sortira tant qu’au moins six personnes seront mortes. Bonne ambiance. Une fois que cette unique condition est réunie, l’accès menant à l’unique ascenseur vers la surface s’ouvrira pendant 30 secondes avant de se refermer définitivement.
La grande différence comparée aux autres jeux de la série réside dans le fait que l’on ne contrôle plus un personnage, mais trois. Les 9 prisonniers sont répartis en 3 équipes composées de têtes connues et de petits nouveaux. Dans l’équipe C on trouve Junpei (le protagoniste de 999), Akane (son amie d’enfance et personnage important de la série) ainsi que Carlos qui sera le leader de l’équipe et qui devra prendre toutes les décisions. L’équipe D est formée de Sigma (le personnage principal de Virtue’s Last Reward), Phi (sa partenaire de confiance également issue du jeu précédent) et Diana qui aura la lourde tâche décisionnelle sur ses épaules. Quant à l’équipe Q, elle est formée que de petits nouveaux. Eric, un jeune homme psychologiquement instable et fol amoureux de Mira, également membre de l’équipe. Le dénommé Q, enfin, est le leader de ce troisième groupe. Un lourd et imposant casque recouvre la tête de ce mystérieux enfant également présent.

Les équipes sont réparties dans trois secteurs du bâtiment qui ne communiquent pas entre elles. Elles ne peuvent ainsi jamais se rencontrer. Seul moyen de communication, un chien, Gab, qui peut se faufiler dans les conduits d’aération et convoyer des messages. Si cela n’était pas assez troublant, toutes les 90 minutes, les bracelets que tous les personnages ont au poignet leur injectent un tranquillisant doublé d’un sérum d’amnésie qui leur fait oublier toutes les actions qu’ils auront faites durant leur phase de réveil.

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Les personnages seront donc en constant questionnement. Où sont-ils ? Les équipes se réveillent souvent dans une salle fermée dont ils doivent s’échapper. Combien de fois se sont-ils réveillés depuis le début du jeu ? Où sont les autres membres de l’équipe ? Parfois, un membre manque à l’appel et même s’ils ont assisté à sa mort plus tôt dans l’histoire, les personnages ne s’en souviendront pas. Il arrivera même qu’ils commencent à s’accuser les uns les autres pour le meurtre de leur compagnon. Le thriller psychologique est réel et de nombreux personnages craqueront durant l’histoire.

Durant l’histoire ai-je dit ? Durant LES histoires devrais-je dire. Car le fil des événements se sépare régulièrement en de nombreux chemins bien indiqués. Voici un bouton, devez-vous appuyer dessus ou vous en abstenir ? Autre exemple, toute votre équipe a été empoisonnée. Quel antidote allez-vous boire ? Dernier exemple, tous les membres de votre équipe se menacent les uns les autres d’une arme à feu. Sur qui allez-vous tirer ? Chaque choix que vous ferez marquera un embranchement sur un arbre scénaristique qui résume toute l’histoire. Vous pouvez revenir à tout moment à chaque étape de l’histoire à laquelle vous avez déjà assisté, ce qui vous permet de revivre un choix pour voir ce qu’il se serait passé si vous en aviez décidé autrement. Notez également que les conséquences d’une décision dépendront parfois entièrement de la chance, comme le lancer d’une pièce ou un jeu de roulette russe.

Cependant, cette arborescence ne vous permettra pas d’initier des passages que vous n’avez pas encore vus. Pour découvrir de nouveaux tronçons, vous devrez partir d’un des fragments qui vous seront proposés dans le menu principal du jeu. Cette sélection de souvenirs s’ouvre quand l’histoire dans laquelle vous vous situez arrive à une impasse, ou si vous atteignez un game over, souvent synonyme de mort. Les souvenirs sont classés par équipe et ont une petite vignette pour vous aider à les identifier d’un coup d’œil. Cependant, vous ne pouvez pas deviner à l’avance où vous allez atterrir sur l’arborescence. En atteignant certaines parties de l’histoire, vous débloquerez de nouveaux fragments, y compris chez les autres équipes, et pourrez ainsi visiter de nouveaux embranchements.

Ce système tranche avec celui de VLR qui était un peu plus simple à aborder. Votre personnage évoluait le long de l’arborescence pour accéder à certains embranchements, il fallait tout simplement faire les choix en conséquence. Il était ainsi plus facile de garder le fil de l’histoire où on se situait. Ici, à l’instar des personnages, on est un peu perdu. On ne sait pas trop où on atterrit, on ne se souvient plus trop qui est mort et qui ne l’est pas et quels sont les enjeux de cette ligne temporelle. Il est ainsi moins facile pour le joueur de conserver une idée globale de ce qu’il se passe, ce qui peut mener à une certaine forme de frustration. Cependant, peut-être que c’était justement l’objectif ? Si c’est le cas, c’est réussi. Mais on ne peut s’empêcher de regretter la simplicité et l’immédiateté de VLR à cet égard.

Quand les embranchements ne sont pas constitués de cinématiques ou de choix cornéliens, le joueur sera confronté aux classiques escape rooms qui ont fait la réputation de la série. Pas grand-chose à dire à ce sujet si ce n’est qu’elles relèvent encore une fois d’un design brillant. Le jeu a décidé de revenir au système d’indice de 999. Les personnages qui sont coincés avec vous dans la salle vous donneront au fur et à mesure de vos erreurs de plus en plus d’indications. Cette méthode indolore ne donne absolument pas l’impression d’être aidé par le jeu ce qui ménage le sentiment de satisfaction d’avoir terminé seul une salle tout en le tenant doucement par la main. Ne vous méprenez pas cependant. Certaines énigmes sont redoutables et demanderont pas mal de réflexion pour en arriver à bout. Avoir un carnet et un stylo est d’ailleurs vivement recommandé pour prendre des notes et s’économiser des allers et retours inutiles dans le jeu.

[nextpage title=”Et ça continue, en-gore et en-gore”]

Les Zero Escape ne sont pas connus pour être particulièrement crus. Certes, il y a parfois du sang et des morts violents, mais elles sont souvent hors-champ et jamais dépeintes directement. Dans Zero Time Dilemma, ce n’est plus le cas ! Le jeu est gore, les douches de sang sont légion et vous allez découvrir plein de nouvelles manières de détruire des corps humains. Le jeu vous met parfois à la place du tortionnaire qui tue ses victimes, revient dans le temps et revoit leur mort violente uniquement pour des besoins pratiques. Et sachez-le, personne n’est épargné. Tous les personnages meurent plusieurs fois durant les différents scénarios que vous allez essayer durant votre partie. Pourtant, et pardon pour le mauvais jeu de mots, toute cette hémoglobine ne fait pas tache. Elle se marie même plutôt bien avec l’ambiance pesante et psychologiquement lourde du titre. Sauf que voilà, si vous êtes sensible à ce genre de choses, il vaut mieux que vous soyez prévenu.
Si le jeu joue avec vos nerfs en torturant vos personnages sous vos yeux, il les mettra également devant des dilemmes inextricables. Le scénario d’une richesse rare forcera les personnages à se poser de véritables questions métaphysiques, mathématiques et philosophiques. Et par extension, vous aussi y serez confronté. Vous êtes-vous déjà interrogé sur toutes les problématiques inhérentes aux souvenirs et à la perception du réel ? Qu’est-ce qui vous dit que vous n’êtes pas né ce matin dans votre lit avec tout un tas de faux souvenirs injectés dans votre cerveau vous faisant croire que vous avez bel et bien vécu toutes les journées précédentes ? Connaissez-vous le problème de la belle au bois dormant et avez-vous essayé d’y répondre ? Savez-vous quel est le choix rationnel à faire si on vous soumettait le problème de Monty Hall ? Comment réagiriez-vous face au dilemme du prisonnier ?

Et pourtant, malgré une rigueur scientifique avérée, le jeu parvient encore à vous faire avaler des éléments de fantastique. Certaines choses restent inexpliquées ou un peu trop grosses pour être avalées telles quelles. Mais elles sont toujours intégrées lentement, doucement et sans jamais bouleverser sa suspension consentie de l’incrédulité. De cette manière, Kotaro Uchikoshi ouvre le champ des possibles et étire son scénario à l’envi vers des truchements incroyables auxquels le joueur ne peut pas s’attendre. Ce numéro d’équilibriste qui dure depuis 999 est parfaitement préservé dans Zero Time Dilemma, même si certains concepts subtilement énoncés auparavant sont plus démonstratifs et semblent enfoncer quelques portes ouvertes. Il y a fort à parier que le titre cherche également à séduire un public qui n’aura joué à aucun des jeux précédents.

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Finalement, le seul point peu maîtrisé de ce point d’orgue magnifique viendra de la réalisation perfectible. Disons que le manque de moyens derrière ce troisième épisode sorti dans la douleur se fait sentir. Les animations des personnages sont rudimentaires, pour rester poli, et se contentent du strict minimum. La direction artistique est intéressante dans les artworks et les illustrations de travail, mais laisse vraiment à désirer une fois retranscrite dans le moteur 3D. Sur portable 3DS ou PS Vita, le jeu rame beaucoup et il ne faudra surtout pas compter sur un framerate constant. Sauf si la portabilité du titre est une condition sine qua non, il est recommandé de jouer sur PC où le jeu tourne sans aucune difficulté.

Toutefois, Zero Time Dilemma a l’avantage de passer après Virtue’s Last Reward qui n’était pas non plus une claque technique. Les amateurs et les nouveaux venus savent de toute façon que la substantifique moelle du titre ne se trouve pas là. Elle se trouve dans le propos, dans le scénario, dans les doublages qui sortent leur épingle du jeu, dans l’expérience globale et dans les heures et les heures de réflexions qui découleront de ce troisième épisode qui se situe dans la directe et vertueuse lignée de son prédécesseur.

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Notre avis

Certes, Virtue’s Last Reward était plus surprenant. Certes, Virtue’s Last Reward était plus cohérent dans sa structure. Certes Virtue’s Last Reward était plus audacieux en son temps. Mais comment voulez-vous dépasser un jeu qui a ouvert autant de potentiel dans ce qui devrait être la narration dans un jeu vidéo ? Comment passer après un monstre pareil ? Oui, Zero Time Dilemma est un tout petit peu en dessous de Virtue’s Last Reward. Mais rien que de dire ça, rien que de dire que ce troisième épisode qui aurait pu ne jamais sortir (!) arrive PRESQUE à faire aussi bien que son prédécesseur : mais quel immense compliment !
Note : 9  /  10
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