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Dossier: Le Serious Gaming est-il sérieux?

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Avant l’invention d’internet et si tant est que leur discours ne fusse pas « t’as pas une garro cousin? » la majorité des gens qui m’abordaient dans la…

Avant l’invention d’internet et si tant est que leur discours ne fusse pas « t’as pas une garro cousin? » la majorité des gens qui m’abordaient dans la rue étaient des militants pour Action contre la Faim et Médecins sans Frontières. Maintenant je vis cyber et ne sors plus puisque le chinois livre à domicile et que ma gonzesse est connectée H24 sur Meetic. Alors pour m’aborder dans la rue et me parler de causes perdues, bha les assoc’ humanitaires elles sont bien emmerdées. Quoique depuis l’expansion du « Serious Gaming », les militants divers ont trouvé un nouveau filon et donc aujourd’hui on va donc parler du jeu vidéo comme média engagé.

Un Serious Game est un logiciel « de loisir », un jeu vidéo quoi, avec un gameplay et pleins de ressorts ludiques MAIS dont l’intention est pédagogique et idéologique. Ce terme s’applique également aux jeux publicitaires mais je vais ici évoquer les jeux dits engagés, qui défendent une cause ou soulèvent des problèmes (géo) politiques. Il est crucial de d’abord identifier clairement les mécanismes propres à ces jeux, ces mécanismes qui mettent en scène la cause défendue. Ceci fait, on déterminera si d’une part les Serious Game sont à proprement parler des jeux (sont-ils encore ludiques?) vu les éclaircissements apportés et enfin si, d’autre part, l’impact sur les joueurs est aussi puissant que les effets sur les électeurs d’ un film écolo de Yann Arthus Bertrand diffusé juste avant les européennes (peuvent-ils convaincre?)

Cette première partie est la plus difficile, je dois me fader des horreurs en flash et même la perspective malsaine de hurler – mais à l’écrit – COMMENT LE GAMEPLAY EST REPETITIF ET MINABLE! ne m’a pas réjoui. Là par exemple j’incarne un réfugié qui doit se cacher derrière des cailloux pour échapper aux massacres soit la preuve que la situation au Darfour est critique – Darfur is Dying -. D’enfer! À chaque fois que j’échoue j’y apprends combien cette région souffre. Ma première impression est que c’est surtout l’image qui véhicule le message. En clair, l’interactivité n’a aucune incidence sur la diffusion de l’information. En encore plus clair, le fait que le joueur soit responsable du sort des chtits n’enfants n’élève pas le débat. Je meurs d’ennui. Puis mon avatar meurt tout court.

Mais attendez! Une nouvelle phase de jeu s’offre à moi. Je gère un camp de réfugiés et c’est le bordel. Les bandits attaquent de partout, mes protégés aimeraient boire autre chose que du sable et la lèpre est présidente. Pis à la fin c’est la fête pour tous sauf les innocents qui clamsent. Les pillards sont content eux, et je constate qu’il est impossible de gagner. Mais vraiment impossible hein, le gameplay ne permet que la défaite et je me dis que c’est ça, le Serious Gaming: L’interaction qui produit plus de sens que la narration et la représentation. Les règles classiques sont détournées, ici parce qu’on ne peut que perdre. Puisque la situation au Darfour est quasi-désespérée, alors le joueur ne peut pas gagner – sauf en cliquant sur le bouton [Take Action], on y reviendra plus tard – et il y a donc détournement. Je teste après deux trois autres trucs dont l’engagement revient à inciter à lancer des tomates à la gueule de Bush. Un gameplay plutôt interchangeable, je remplace Bush par Bernard Madoff et les tomates par des couilles, promis on va se marrer pareil. Ces productions ne sont pas des Serious Games puisqu’ici c’est avant tout la représentation qui diffuse l’information – un film fait pareil – et l’interactivité ne souligne pas l’engagement puisqu’on peut l’adapter à n’importe quel contexte, Cf ma phrase d’avant.

Alors d’accord, les « jeux sérieux » montrent que c’est la merde dans tel ou tel endroit du monde, mais après m’avoir imputé le dépeuplement du Soudan et peut-être réveillé ma conscience, le serious gaming m’a t’il aussi apporté une bonne dose de distraction? Y’a t’il un réel compromis – ou une réelle synergie, ça dépend à quelle école de management vous émargez – entre intérêt ludique et intérêt didactique ou alors est-ce qu’au fond on s’informe en trouvant le temps grave long?

Je serais menteur et de toutes façons tricard par les lecteurs attentifs si je vous déclarais de manière consensuelle que « l’intérêt purement ludique est très intéressant et en plus, c’est pour la bonne cause ». Relisez le passage du paragraphe précédent écrit en lettres capitales, vous allez ensuite comprendre pourquoi mon enthousiasme fait la gueule. Malgré le fait que les règles des Serious Games soient des détournements donc malgré le fait que ces règles soient différentes des jeux classiques, le « fun » est sacrifié au profit du « Serious ».

La relative originalité des mécanismes propres aux Serious Games n’est qu’un pastiche de mécanismes basiques. Une originalité qui crée le sens, oui. Mais aussi très relative, donc. On peut toutefois relever que le contexte apporte du nouveau. Par exemple, dans Food Force – Un des plus gros Serious Games qui vous apprendra à mieux répartir le taboulé à travers le monde – j’ai le contrôle d’un hélicoptère mais au lieu de larguer des bombes sur l’Afrique je livre des rations alimentaires. C’est plutôt rébarbatif, le scénario est plein de bons sentiments et chaque action déclenche une vidéo qui m’apprend que les bénévoles font un sacré boulot là-bas. Néanmoins ce jeu n’est que peu convainquant pour quelqu’un qui ne cherche pas quasi-exclusivement à s’informer.

J’en veux pour preuve que les trois volontaires que j’avais sous la main convoqués pour « jouer à un jeu super tu vas voir c’est l’éclate » et qui se sont vus infligés une séance de Food Force ne sont plus mes amis et ils n’en ont d’ailleurs pas eu grand chose à foutre du contexte humanitaire, preuve s’il en est que les Serious Game sont d’un point de vue ludique, assez relouds. Peuvent-ils néanmoins sensibiliser de manière efficace des individus pas forcément intéressés ni profondément humanistes? On va prendre un exemple: Si entre deux parties de Solitaire et de PinBall la secrétaire de votre société tombe sur Food Force, va t’ elle ressortir transformée de l’expérience sachant qu’elle n’en a que faire des clodos et en plus se sappe en Prada?

Non. Malgré un arsenal marketing assez conséquent – on a vu des affiches Food Force dans le métro parisien – et malgré un engouement de la part des médias généralistes, les Serious Games sont dans l’immédiat condamnés à rester des sous-jeux cachant vulgairement le manque d’intérêt ludique sous une couche de bondieuseries humanitaires. Les seuls moyens de progresser dans Darfur is Dying sont de cliquer sur ce bouton [Take Action] dont j’ai parlé plus haut et qui renvoie à diverses actions humanitaires genre « écrire au président » ou encore « filer du pognon ». C’est vrai, il n’y a pas grand chose d’autre qui marche. Et bien que les causes défendues soient sérieuses, bien que les associations soient sincères, l’interactivité qui on l’a vu constituait par ce phénomène de détournement le cœur du message est aussi la raison du pourquoi ce message n’est que faiblement reçu par les joueurs. Puisque c’est le joueur qui décide du destin de la planète – et donc libre à lui de niquer l’environnement s’il le désir – alors les associations ou auteurs n’ont pas une mainmise totale sur le message véhiculé par le média puisque l’expérience du joueur varie fortement en fonction des choix qu’il a opéré en jouant. Pas comme dans un spot publicitaire, ou mon expérience varie entre « regarder » ou « zapper sur TF1 », et c’est tout. Et pleins d’expériences possibles c’est pleins d’interprétations possibles. Ceci combiné au fait que le gameplay des Serious Games est assez indigent, c’est surtout beaucoup d’interprétations NEGATIVES possibles.

Alors le Serious Gaming n’est-il que de l’enculade de mouche engagée? Le niveau qu’atteignent les productions actuelles m’encourage à dire que oui puisque l’ensemble est aussi superficiel qu’une Loana fraichement saillie par un Lofteur. Mais les bases du concept – le détournement du gameplay qui crée le sens plus que les images – est là. Des productions moins artificielles et plus pragmatiques pourraient changer la donne mais dans l’était des choses je vois mal les Serious Games déclencher un Tsunami de dons de la part des gamers.

Avant l’invention d’internet et si tant est que leur discours ne fusse pas « t’as pas une garro cousin? » la majorité des gens qui m’abordaient dans la rue étaient des militants pour Action contre la Faim et Médecins sans Frontières. Maintenant je vis cyber et ne sors plus puisque le chinois livre à domicile et que ma gonzesse est connectée H24 sur Meetic. Alors pour m’aborder dans la rue et me parler de causes perdues, bha les assoc’ humanitaires elles sont bien emmerdées. Quoique depuis l’expansion du « Serious Gaming », les militants divers ont trouvé un nouveau filon et donc aujourd’hui on va donc parler du jeu vidéo comme média engagé.

Un Serious Game est un logiciel « de loisir », un jeu vidéo quoi, avec un gameplay et pleins de ressorts ludiques MAIS dont l’intention est pédagogique et idéologique. Ce terme s’applique également aux jeux publicitaires mais je vais ici évoquer les jeux dits engagés, qui défendent une cause ou soulèvent des problèmes (géo) politiques. Il est crucial de d’abord identifier clairement les mécanismes propres à ces jeux, ces mécanismes qui mettent en scène la cause défendue. Ceci fait, on déterminera si d’une part les Serious Game sont à proprement parler des jeux (sont-ils encore ludiques?) vu les éclaircissements apportés et enfin si, d’autre part, l’impact sur les joueurs est aussi puissant que les effets sur les électeurs d’ un film écolo de Yann Arthus Bertrand diffusé juste avant les européennes (peuvent-ils convaincre?)

Cette première partie est la plus difficile, je dois me fader des horreurs en flash et même la perspective malsaine de hurler – mais à l’écrit – COMMENT LE GAMEPLAY EST REPETITIF ET MINABLE! ne m’a pas réjoui. Là par exemple j’incarne un réfugié qui doit se cacher derrière des cailloux pour échapper aux massacres soit la preuve que la situation au Darfour est critique – Darfur is Dying -. D’enfer! À chaque fois que j’échoue j’y apprends combien cette région souffre. Ma première impression est que c’est surtout l’image qui véhicule le message. En clair, l’interactivité n’a aucune incidence sur la diffusion de l’information. En encore plus clair, le fait que le joueur soit responsable du sort des chtits n’enfants n’élève pas le débat. Je meurs d’ennui. Puis mon avatar meurt tout court.

Mais attendez! Une nouvelle phase de jeu s’offre à moi. Je gère un camp de réfugiés et c’est le bordel. Les bandits attaquent de partout, mes protégés aimeraient boire autre chose que du sable et la lèpre est présidente. Pis à la fin c’est la fête pour tous sauf les innocents qui clamsent. Les pillards sont content eux, et je constate qu’il est impossible de gagner. Mais vraiment impossible hein, le gameplay ne permet que la défaite et je me dis que c’est ça, le Serious Gaming: L’interaction qui produit plus de sens que la narration et la représentation. Les règles classiques sont détournées, ici parce qu’on ne peut que perdre. Puisque la situation au Darfour est quasi-désespérée, alors le joueur ne peut pas gagner – sauf en cliquant sur le bouton [Take Action], on y reviendra plus tard – et il y a donc détournement. Je teste après deux trois autres trucs dont l’engagement revient à inciter à lancer des tomates à la gueule de Bush. Un gameplay plutôt interchangeable, je remplace Bush par Bernard Madoff et les tomates par des couilles, promis on va se marrer pareil. Ces productions ne sont pas des Serious Games puisqu’ici c’est avant tout la représentation qui diffuse l’information – un film fait pareil – et l’interactivité ne souligne pas l’engagement puisqu’on peut l’adapter à n’importe quel contexte, Cf ma phrase d’avant.

Alors d’accord, les « jeux sérieux » montrent que c’est la merde dans tel ou tel endroit du monde, mais après m’avoir imputé le dépeuplement du Soudan et peut-être réveillé ma conscience, le serious gaming m’a t’il aussi apporté une bonne dose de distraction? Y’a t’il un réel compromis – ou une réelle synergie, ça dépend à quelle école de management vous émargez – entre intérêt ludique et intérêt didactique ou alors est-ce qu’au fond on s’informe en trouvant le temps grave long?

Je serais menteur et de toutes façons tricard par les lecteurs attentifs si je vous déclarais de manière consensuelle que « l’intérêt purement ludique est très intéressant et en plus, c’est pour la bonne cause ». Relisez le passage du paragraphe précédent écrit en lettres capitales, vous allez ensuite comprendre pourquoi mon enthousiasme fait la gueule. Malgré le fait que les règles des Serious Games soient des détournements donc malgré le fait que ces règles soient différentes des jeux classiques, le « fun » est sacrifié au profit du « Serious ».

La relative originalité des mécanismes propres aux Serious Games n’est qu’un pastiche de mécanismes basiques. Une originalité qui crée le sens, oui. Mais aussi très relative, donc. On peut toutefois relever que le contexte apporte du nouveau. Par exemple, dans Food Force – Un des plus gros Serious Games qui vous apprendra à mieux répartir le taboulé à travers le monde – j’ai le contrôle d’un hélicoptère mais au lieu de larguer des bombes sur l’Afrique je livre des rations alimentaires. C’est plutôt rébarbatif, le scénario est plein de bons sentiments et chaque action déclenche une vidéo qui m’apprend que les bénévoles font un sacré boulot là-bas. Néanmoins ce jeu n’est que peu convainquant pour quelqu’un qui ne cherche pas quasi-exclusivement à s’informer.

J’en veux pour preuve que les trois volontaires que j’avais sous la main convoqués pour « jouer à un jeu super tu vas voir c’est l’éclate » et qui se sont vus infligés une séance de Food Force ne sont plus mes amis et ils n’en ont d’ailleurs pas eu grand chose à foutre du contexte humanitaire, preuve s’il en est que les Serious Game sont d’un point de vue ludique, assez relouds. Peuvent-ils néanmoins sensibiliser de manière efficace des individus pas forcément intéressés ni profondément humanistes? On va prendre un exemple: Si entre deux parties de Solitaire et de PinBall la secrétaire de votre société tombe sur Food Force, va t’ elle ressortir transformée de l’expérience sachant qu’elle n’en a que faire des clodos et en plus se sappe en Prada?

Non. Malgré un arsenal marketing assez conséquent – on a vu des affiches Food Force dans le métro parisien – et malgré un engouement de la part des médias généralistes, les Serious Games sont dans l’immédiat condamnés à rester des sous-jeux cachant vulgairement le manque d’intérêt ludique sous une couche de bondieuseries humanitaires. Les seuls moyens de progresser dans Darfur is Dying sont de cliquer sur ce bouton [Take Action] dont j’ai parlé plus haut et qui renvoie à diverses actions humanitaires genre « écrire au président » ou encore « filer du pognon ». C’est vrai, il n’y a pas grand chose d’autre qui marche. Et bien que les causes défendues soient sérieuses, bien que les associations soient sincères, l’interactivité qui on l’a vu constituait par ce phénomène de détournement le cœur du message est aussi la raison du pourquoi ce message n’est que faiblement reçu par les joueurs. Puisque c’est le joueur qui décide du destin de la planète – et donc libre à lui de niquer l’environnement s’il le désir – alors les associations ou auteurs n’ont pas une mainmise totale sur le message véhiculé par le média puisque l’expérience du joueur varie fortement en fonction des choix qu’il a opéré en jouant. Pas comme dans un spot publicitaire, ou mon expérience varie entre « regarder » ou « zapper sur TF1 », et c’est tout. Et pleins d’expériences possibles c’est pleins d’interprétations possibles. Ceci combiné au fait que le gameplay des Serious Games est assez indigent, c’est surtout beaucoup d’interprétations NEGATIVES possibles.

Alors le Serious Gaming n’est-il que de l’enculade de mouche engagée? Le niveau qu’atteignent les productions actuelles m’encourage à dire que oui puisque l’ensemble est aussi superficiel qu’une Loana fraichement saillie par un Lofteur. Mais les bases du concept – le détournement du gameplay qui crée le sens plus que les images – est là. Des productions moins artificielles et plus pragmatiques pourraient changer la donne mais dans l’était des choses je vois mal les Serious Games déclencher un Tsunami de dons de la part des gamers.

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